mercredi 15 novembre 2006

un vieil article en mal de lecteurs

Ouais, ça fait un peu Vieux People sur le retour d'exhiber ses anciens essais plus ou moins gratifiants, mais cet article, dans lequel j'avais mis tant de coeur, n'a jamais été lu ni apprécié à sa juste valeur. Même Mme Pernoud, qui m'a si gentiment aidée, ne l'a pas vu..

La petite histoire: lorsque ma fille est rentrée en maternelle, j'ai découvert la stupide tradition de la collation matinale. Et elle, la pauvrette, a découvert le surpoids et les privations. J'ai décidé de me battre contre cette règle établie selon laquelle les enfants avaient besoin de manger à 10 heures. Et en tant que représentant de parents d'élèves, je suis allée au front, toute seule, pour informer l'équipe enseignante des risques qu'elle faisait courir à nos enfants, en toute naiveté.

D'où cet article, qui m'a demandé un mois de travail. Que les enseignants et la directrice n'ont jamais lu, car ils étaient trop occupés à m'aboyer dessus qu'ils ne "pouvaient pas changer ça", à se moquer ouvertement de moi et de "mon exagération". Messieurs-dames de l'école maternelle Toussaint Merle, à La Seyne-sur-Mer, sachez aujourd'hui que vous m'avez offert un spectacle pitoyable, que mon combat continue, et que le ministère de la Santé appuie les actions de parents comme moi. Dans la nouvelle école que fréquentent mes enfants, nous avons une collation, oui, mais organisée, variée, équilibrée. Tout le monde est à l'écoute et les maîtresses ne confondent pas "nectar" et "jus" de fruits. Quant à Olivia, nous nous battons tous les jours pour lui éviter de remplir les adipocytes dont vous avez suscité la formation.
Voir ici.

Voici mon article, j'espère qu'il pourra sensibiliser certaines personnes.
Merci d'avance pour l'intérêt que vous lui porterez ;-)


"Maman, n'oublie pas, demain c'est moi qui suis de service. Qu'est-ce qu'on apporte à manger?" : à cette question, toutes les mamans d'aujourd'hui doivent répondre environ une fois par bimestre, lorsque vient leur tour de fournir à la classe de maternelle le "petit goûter". Parce que l'école nous le demande, ou parce que nous avons l'habitude de donner un "petit quelque chose" à nos enfants, nous obéissons à ce rituel. Mais en connaissez-vous la genèse?

En 1954, le gouvernement Mendès-France annonçait une mesure destinée à rétablir l'équilibre alimentaire des enfants de l'après-guerre et à prévenir l'alcoolisme. Ainsi a débuté la distribution gratuite de lait dans les écoles. Vingt ans plus tard, elle fut relancée dans un but plus matériel: l'écoulement des excédents de la production laitière. Voilà, historiquement, l'origine de la collation matinale à l'école maternelle.

Cependant, la tradition, tout comme le contexte social et économique, ont évolué depuis. La distribution gratuite de lait n'existe quasiment plus, car les aides européennes ont été considérablement réduites, et les enfants d'aujourd'hui sont plutôt déjà sur nourris. C'est ainsi que nous avons dérivé vers une prise alimentaire supplémentaire, généralement trop riche, trop sucrée, et tellement systématique qu'elle frise "l'indéboulonnable"!

Au travers des propos d'enseignants ou de parents, on voit émerger un certain conflit autour des responsabilités de chacun, et de la liberté d'éducation. Mais au-delà de ça, ce sont les chiffres qui inquiètent, et le corps médical n'hésite plus à tirer la sonnette d'alarme: l'obésité infantile connaît une croissance alarmante. Une des causes en est connue, reste à mettre en place les solutions adéquates.

Si nous connaissons le système du goûter de l'école de nos enfants, nous savons rarement ce qu'il en est ailleurs. Or, toutes les écoles n'ont pas la même façon de gérer ce petit goûter, étant donné qu'il est laissé à l'appréciation des directeurs d'établissements. Le contenu et le mode d'organisation de la collation varient énormément en fonction des écoles: ici c'est la municipalité qui fournit laitages et pain, là-bas les enfants préparent eux-mêmes gâteaux et soupes de légumes du potager… Une grande marge de manœuvre, donc, mais au final, plusieurs points essentiels et communs se dégagent, permettant de mieux comprendre le problème posé par la collation dans les écoles maternelles et primaires françaises.

Le Ministère de l'Education Nationale donne actuellement seulement deux lignes de conduite:

- "Compte tenu de l'augmentation de l'incidence de l'obésité, la ou les collations doivent viser à pallier des apports insuffisants et non pas à augmenter l'ingestion calorique […] Il est possible de servir une collation le matin, au plus tard deux heures avant le déjeuner. Elle comprend au minimum un fromage ou un autre produit laitier…" (Direction de l'Enseignement Scolaire 10/09/01)

- "l'Education Nationale se doit d'engager un combat déterminé contre les déficiences nutritionnelles. […] il sera demandé aux chefs d'établissement de limiter la présence de distributeurs de boissons sucrées et d'aliments hypercaloriques" (Plan Santé en milieu scolaire 26/02/03)

En réalité, la pratique de la collation pose plusieurs problèmes. Des incohérences, tout d'abord. En effet, à l'heure actuelle, la restauration scolaire multiplie les sécurités pour réduire au maximum les risques d'allergies et d'intoxications alimentaires, et proposer aux enfants une alimentation équilibrée et sûre. Mais quand les mamans amènent à goûter pour la classe, comment contrôler les pâtisseries faites maison, comment s'assurer que la chaîne du froid a été respectée pour les fromages et les yaourts?

Une autre incohérence apparaît au niveau du discours sur les bonnes habitudes alimentaires. En petite section, alors que les enfants viennent de passer, en dix-huit mois, de 6 à 4 repas quotidiens, on leur impose un nouveau rythme, et on les habitue à une collation matinale, habitude qu'ils vont garder pendant 3 ans. Quelques années plus tard, au collège, un médecin ou un diététicien viendra les mettre en garde contre les effets néfastes du grignotage, contre les aliments industriels trop gras et trop sucrés, ceux-là même qu'on leur proposait sans problème à la maternelle.

On peut penser que les enseignants, qui sont déjà chargés d'instruire, d'éveiller, de discipliner les tout-petits, pourraient être dispensés de les nourrir également. Les besoins physiologiques essentiels de l'enfant devraient être laissés à la charge des adultes qui en sont responsables. Bien sûr, on ne peut laisser un petit le ventre vide, mais on n'instaure pas de sieste matinale pour les enfants qui se sont couchés après 22 heures…

Pourtant, ces instituteurs, pour lesquels la collation matinale ne constitue somme toute qu'une contrainte supplémentaire, rechignent à la supprimer, que ce soit par conviction ou par résignation. Le Dr Vincent Boggio, professeur de pédiatrie au CHU de Dijon et auteur du livre "Que faire, mon enfant est trop gros", a une idée intéressante: d'après lui, le goûter privilégiant la notion de plaisir, les adultes tiendraient à conserver ce moment de contentement en compensation des contraintes énormes imposées aux enfants, qui subissent un rythme souvent trop élevé dès la petite école. Même si l'on fait valoir des motifs nutritionnels ou pédagogiques, c'est ce moment de plaisir offert aux petits élèves, et déculpabilisant pour les adultes, qui expliquerait pourquoi nous y sommes tant attachés. Au-delà du problème du contenu de la collation, c'est le message éducatif délivré qui peut inquiéter: "Si ça te fait plaisir, tu peux manger entre les repas." Savoir dire non à un enfant de trois ans pour structurer son comportement alimentaire, c'est essentiel. Il faut accepter de le frustrer, car l'enjeu est sa santé ultérieure, celle de toute sa vie. Son mécontentement sera de courte durée, car il apprendra très vite à mieux manger aux repas, et s'habituera facilement à tenir quatre heures sans manger.

En tout état de cause, cessons de croire que l'enfant ne mangera que s'il en a besoin. A cet âge-là, la gourmandise existe déjà. Et tout comme les adultes ont du mal à résister aux cacahuètes de l'apéritif, les enfants ne se poseront pas la question de savoir s'ils ont faim devant un plat de biscuits au chocolat. Le grignotage, c'est manger uniquement par plaisir, par ennui, voire par convivialité. N'est-ce pas précisément ce qu'ils font lors de cette pause du matin?


Face à cette situation, les états d'esprits sont très différents. En effet, dernièrement, la collation du matin est devenue véritablement un sujet de polémique. Aux conseils d'école, chez le pédiatre, dans les forums spécialisés sur l'internet, le thème a presque à tous les coups été abordé à la dernière rentrée. Que l'on raisonne en fonction de son enfant seulement, ou de toute la population enfantine française, que l'on soit enseignant ou parent d'élève, les avis varient mais, c'est certain, chacun a le sien.

Les parents mécontents de la collation ont des inquiétudes principalement liées à la santé de leurs enfants. La remarque de Lise, maman de Luane, est préoccupante: "Mon petit cousin est diabétique insulinodépendant. Le petit-goûter est un risque létal pour lui! Et ne me dites pas qu'il s'agit d'une exception! L'augmentation des diabètes de ce type, particulièrement chez les enfants, suit la même courbe que le nombre de diabètes total et que l'obésité. Sans compter l'incidence de la consommation gras/sucré sur les caries, les difficultés de digestion, la constipation… Obésité, diabète et autres effets secondaires ne sont pas un problème individuel, mais de santé publique. En collectivisant l'habitude de grignoter, je pense qu'on augmente l'incidence de ces problèmes sur la population française."

Effectivement, d'après un rapport de la CNAMTs sur l'épidémiologie du diabète en France, le diabète de type 2 représente 4,7 % des dépenses de l'Assurance Maladie, et 5 % de la mortalité globale, avec presque 2 millions et demi de cas et 4 000 nouveaux cas par an. C'est une véritable épidémie mondiale d'ailleurs, car les prévisions estiment à 5,4 % la prévalence en 2025, soit plus d'une personne sur vingt! Et l'épidémie d'obésité en est une cause officiellement reconnue, d'autant plus que le diabète touche des enfants de plus en plus jeunes, chose qui ne s'était jamais vue avant ces dernières années puisque le diabète de type 2, dit diabète "gras" ou "de maturité", se déclarait à partir de 45 ans.

Un nombre croissant d'instituteurs, soucieux aussi de la santé des élèves, demandent l'avis du médecin scolaire, comme l'a fait Adeline: "Je suis directrice d'une petite école, et instit en CE1, et comme la collation est un sujet très controversé, je réfléchis beaucoup à ce problème. Après un sondage auprès de mes élèves, je me suis rendu compte que 39 % mangeaient six fois par jour! 22 % cinq fois et le reste trois ou quatre fois. Ca m'a choquée, et après en avoir discuté avec le médecin scolaire, nous allons trouver une solution pour faire cesser ce grignotage organisé. Mais j'ai un problème: en primaire, c'est le rôle des parents de gérer les goûters. Dois-je m'en mêler?"

L'expérience de Stéphanie, maman d'Olivia, illustre bien à quel point la collation imposée par l'école maternelle peut perturber un rythme familial bien tranquille: "Pendant trois ans, j'ai pris soin de donner à ma fille une éducation alimentaire correcte et saine. Elle mangeait de tout avec plaisir et grand appétit. Puis elle est rentrée en petite section, et tout a été ruiné en quelques semaines. Elle a grossi, est devenue difficile, les menus familiaux ont viré au casse-tête pour équilibrer en permanence l'apport journalier; d'autant plus que vu l'importance de l'apport calorique à l'école, on se retrouvait souvent à manger des légumes bouillis le soir. Le plaisir des repas à la maison a disparu, il ne reste plus que le contrôle et la privation que j'impose à ma fille toute la semaine. Pourtant je n'ai pas d'autre solution, ou elle deviendra en surpoids et ce sera pire. Quel choix ont finalement les parents comme nous? Supprimer le petit-déjeuner à la maison, passer pour des parents privateurs et rigides, ou laisser nos enfants devenir obèses.." On a envie de dire: pourquoi ne pas faire du cas-par-cas? S'il est anormal de laisser un enfant le ventre vide, il l'est tout autant d'en rendre un autre obèse délibérément.

Certains parents vivent véritablement cette situation comme un non-respect de leur choix éducatif, et se sentent outragés, démunis. C'est le cas de Marie-Amélie, maman d'Emma et Valentine: "Lorsque j'ai dit à la directrice que je ne souhaitais pas que ma fille prenne cette collation vu qu'elle avait un petit déjeuner conséquent, elle a rétorqué que la pauvre se sentirait frustrée et qu'il est difficile de refuser à un enfant de cet âge un biscuit si tous ses camarades en ont. Je me suis donc pliée à regret à cette fameuse collation: lait de vache (je n'en avais jamais donné à mes filles!) et gâteau. Au C.P., où il n'y a plus de goûter collectif, la maîtresse a dit que ce n'était pas obligatoire mais elle donne un biscuit à ceux qui n'en apportent pas, pour ne pas faire de différence. L'école ne supporte pas que les parents empiètent sur son rôle, pourquoi empiète-t-elle sur le rôle des parents? N'est-ce pas notre devoir de nourrir nos enfants? Il y a des enfants qui ne mangent pas le matin, oui. Mais il y en a aussi qui se couchent après 22 heures, et l'école n'est pas là pour résoudre ces problèmes."

On voit ici combien ce problème délicat empiète sur la liberté d'éducation. D'un côté les parents qui pensent que leur enfant a besoin de manger cinq fois par jour, de l'autre ceux qui surveillent son apport alimentaire. Et au milieu, le personnel enseignant, partagé entre les directives de l'Education Nationale, les grognes des familles et leur avis propre. Même si la Médecine Scolaire est majoritairement opposée à la collation, les Académies n'osent pas trancher et mettre en application ses recommandations. Une directive nationale, appuyée d'un rapport émanant d'experts mandatés par le Ministère de la Santé, serait la solution idéale pour tous. Cela prendra peut-être réalité courant 2004, car le Ministère de la Santé et l'Association Française de Pédiatrie Ambulatoire[1] se préoccupent fortement du problème. Il est vrai qu'on peut rester perplexe devant ce décalage entre le discours très médiatisé au sujet des risques d'obésité croissants, de la malbouffe, et la réalité du grignotage institutionnalisé dès le plus jeune âge au sein même du système éducatif public.

Des problèmes de liberté d'éducation, de concessions imposées par la socialisation, il y en a d'autres, il y en aura toujours. C'est épineux mais ce n'est pas essentiel. Seulement voilà, la question de la collation n'a pas que des implications éthiques, elle a aussi, malheureusement, d'importantes implications liées à la santé des enfants.

Les pédiatres qui combattent l'habitude du petit-goûter essaient d'alerter les parents sur les mécanismes physiologiques découlant du grignotage et responsables de l'obésité infantile. Par exemple, on apprend qu'une prise alimentaire supplémentaire à l'école, par rapport au rythme alimentaire de la maison, dérèglerait le mécanisme d'assimilation et de réserve énergétique[2]. En effet, physiologiquement, l'organisme apprend tout seul à ingérer à chaque repas le nombre de calories suffisant pour tenir jusqu'au repas suivant. Mais le rythme des repas doit être régulier. Or, l'irrégularité due à l'alternance jours de classe/jours de congé est susceptible de perturber la fine régulation du bilan énergétique et de favoriser le stockage des apports excédentaires sous forme de graisse.

Les pédiatres tentent aussi de combattre certaines idées reçues, comme "le risque d'hypoglycémie". En fait, nous dit le Dr Boggio, la crainte d'une hypoglycémie en fin de matinée est injustifiée. En effet, ce que dans le langage courant nous avons pris l'habitude de nommer "hypoglycémie", n'est qu'une légère diminution du taux de sucre dans le sang, ayant pour conséquence ce banal et fréquent phénomène de faim accompagnée de somnolence en fin de matinée. Ce n'est en rien comparable à une véritable hypoglycémie (hypo signifiant insuffisance, et non pas diminution), qui justifierait une hospitalisation immédiate, en raison de sa gravité. Il remarque en outre que les jeûnes rituels, ou pour examens médicaux, sont bien tolérés par les enfants, car la régulation de la glycémie est naturellement bien faite. D'ailleurs, depuis toujours, les enseignants savent tenir compte de ce petit "coup de barre" habituel, et adaptent leur emploi du temps à la baisse d'attention générale de fin de matinée.

En dépit de leur discours préventif, les professionnels de la santé de l'enfant se heurtent souvent à une attitude désinvolte. Ces considérations physiologiques paraissent exagérées à certaines mamans qui qualifient tout cela de "mini-problème". Pourtant, même si la collation semble inoffensive en raison de la toute petite quantité ingérée, elle est grave, pour deux raisons:

- la normalisation du grignotage: il faut être réaliste, manger en petite quantité en dehors des repas, cela s'appelle bien grignoter.

"La règle numéro 1 de la maîtrise du comportement alimentaire, c'est de ne pas manger en dehors des repas. Jusqu'à maintenant, personne n'a encore osé baptiser repas cette collation." (Dr Boggio)

- la régularité de cet apport, et la prise d'habitude inhérente.

En effet, le grignotage, souvent constitué de produits sucrés, stimule la sécrétion d'endorphines, créant une sensation de plaisir (exactement comme le fait la drogue), mais aussi une dépendance puisque l'augmentation d'insuline dans le corps incite l'organisme à ingérer davantage de calories au repas suivant.

Le Dr Sophie Treppoz, animatrice du groupe Obésité de l'A.F.P., exprime son étonnement: "On en est à plus d'un enfant obèse sur huit en France! Et les parents repoussent les mesures de prévention de base. C'est à n'y rien comprendre! La méningite affole, on vaccine à tour de bras (c'est très bien, je suis pour) mais l'obésité est la plus énorme épidémie des pays dits développés, et cela laisse certains parents de marbre!".

Evidemment, on se dit que méningite et obésité ne sont pas comparables. L'obésité ne tue pas nos enfants… du moins pas immédiatement. Mais une obésité débutée dans l'enfance persistera à l'âge adulte dans 40 % des cas. Elle aura dès l'adolescence des répercussions sur les articulations, la peau, le déroulement de la puberté, le métabolisme (induisant un diabète), et la psychologie (nous avons tous vu des reportages sur des adolescents obèses qui suivaient des cures d'amaigrissement; nous avons vu combien cela leur était difficile. Nous les avons plaints; nous avons intérieurement jugé leur famille qui "sans doute, leur avait trop donné à manger, et voilà le résultat…"; nous avons parfois réprimé un sourire en voyant ces pauvres gamins hurlant de joie parce qu'ils avaient perdu 3 kg. Imaginez maintenant votre propre enfant à leur place, dans sept ans… Un enfant sur huit y sera.)

A l'âge adulte s'ajoutera le risque de maladies cardio-vasculaires (hypertension artérielle, hyperlipidémie, infarctus), et de diabète.

Une étude nationale[3] réalisée par l'Institut de Veille Sanitaire en 1999-2000 auprès de 30 000 enfants de grande section a montré que :

15,6 % ont au moins deux dents cariées ou obstruées

9,5 % ont au moins deux dents cariées non soignées

14,4 % sont en surpoids

3,9 % sont déjà obèses

Au-delà de ces chiffres assez inquiétants, on retiendra une conclusion intéressante: les disparités régionales constatées au niveau du surpoids sont analogues à celles constatées chez les hommes de 17 à 25 ans lors des journées de conscription, d'où l'intérêt évident d'un repérage précoce.

Repérer, oui, mais que peut-on faire? Quelles sont les solutions possibles pour stopper cette dérive et reprendre en main la santé de nos enfants, sans provoquer de réactions exacerbées?

Concrètement, il est très possible d'adapter la prise de collation aux besoins des enfants, en les identifiant, et en organisant ce temps de classe à la manière d'un atelier comme les autres. Le petit-déjeuner de remplacement serait proposé pendant le temps d'accueil aux enfants concernés seulement. Dans certaines académies, on a commencé à proposer des lignes directrices. Ainsi, le Bulletin Municipal de l'Académie de Bordeaux précise que "le petit déjeuner ne fait pas partie des activités prévues à l'école. Il est du ressort de la famille. […] On peut envisager d'organiser un petit déjeuner substitutif au sein de l'école, lors de l'accueil, dans les conditions suivantes: il ne s'adresse qu'aux enfants n'ayant pas pris de petit-déjeuner à la maison. […] Dans un souci éducatif, on pourra envisager la suppression progressive de ces petits-déjeuners au cours de la scolarité en maternelle. Parallèlement, il faudra insister auprès des familles sur l'importance du petit-déjeuner à la maison."

Dans l'idée de conserver l'aspect convivial et socialisant de la collation organisée en classe, il serait envisageable de la déplacer à l'occasion du goûter, qui constitue, lui, un vrai repas. Goûter à 15h30, c'est mieux qu'à 17h, et on garde la notion de participation des parents, de variété, de découverte. Seulement, il ne faudrait pas que cela conduise les enfants à goûter deux fois (famille ou mode de garde mal informés).

Enfin, pourquoi ne pas élaborer, avec la médecine scolaire, une discussion entre enseignants et familles sur les bases d'une bonne alimentation? Les enfants doivent être éduqués par leurs parents, qui eux, ne le sont pas toujours correctement. Profitons-en pour rappeler quelques règles de base:

§ faire les courses sans les enfants

§ étudier les étiquettes des produits et éviter ceux trop riches en graisses et sucres

§ expliquer aux enfants pourquoi vous n'avez pas de friandises à la maison

§ rester ferme sur les temps de repas, et les prendre en famille, à table, sans télé

C'est en oeuvrant en famille à récupérer une bonne hygiène alimentaire que tout se fera le plus naturellement du monde. Et pour répondre au sempiternel argument "Mon enfant refuse de manger le matin, il n'a pas faim", l'interview de Laurence Pernoud propose des solutions, car un enfant qui refuse de prendre un petit-déjeuner, cela ne doit pas se tolérer, pas plus que s'il refusait de manger au repas de midi. Le petit-déjeuner est un repas essentiel et c'est aux parents de trouver une solution pour redonner à leur enfant le goût de manger le matin. S'il le faut, la famille peut modifier légèrement ses habitudes: dîner allégé, coucher avancé, verre d'eau au réveil et petit-déjeuner collectif. Au final, forme, santé et bonne humeur retrouvées pour tout le monde!

Entre choix éducatifs, responsabilités de chacun, et risques liés à la santé, la collation ne serait-elle pas davantage qu'un "mini-problème"? Les professionnels de la santé de l'enfant mettent actuellement en garde parents et enseignants: seront-ils écoutés? Aujourd'hui, on nous dit que notre enfant a un risque sur huit d'être obèse dans dix ans. Nous sommes libres de ne pas y accorder de crédit. Mais imaginons que dans dix ans, notre adolescent vienne nous trouver, avec ses quarante kilos en trop et son air malheureux, et qu'il nous dise: "Papa, Maman, quand j'étais en maternelle, on vous a alertés? On vous a dit qu'il ne fallait pas manger entre les repas… Malgré cela, vous avez continué??" Qu'est-ce que nous lui répondrons? Que nous croyions savoir mieux que les pédiatres ce qui était bon pour lui?

Les enseignants et responsables de l'Education Nationale sont-ils capables de regarder aujourd'hui un parent dans les yeux en lui affirmant que son enfant n'a pas besoin de suivre les recommandations des pédiatres?

Dans des centaines d'écoles cette année, la collation a été interdite.

S.B.


Interview de Laurence Pernoud, journaliste et auteur de "J'attends un enfant" et "J'élève mon enfant" :


L'argument principal justifiant la collation est que les enfants ne prennent pas de petit-déjeuner le matin. Le goûter de 10 heures est-il alors justifié?

C'est très mauvais pour un jeune enfant de quitter la maison le ventre vide, surtout en hiver. La famille doit essayer de proposer quelque chose qui fait envie à l'enfant. Dans l'idéal, un jus de pomme (l'orange est trop acide à jeun), accompagné d'une petite tartine pain et confiture.

Lorsque la collation est censée remplacer le petit déjeuner, elle doit être équilibrée : laitage, pain, fruit. Mais je pense que ce n'est pas le rôle de l'école de prendre en charge ce repas. Et dans le cas où elle prétend le faire, je ne peux comprendre qu'elle ne procède même pas à une enquête parmi les familles pour savoir précisément le nombre d'enfants ne prenant pas de petit-déjeuner chez eux, et s'il est justifié de faire manger toute la classe.

Les enseignants disent que la collation sert de support pour une éducation à l'hygiène alimentaire. N'est-ce pas un peu paradoxal lorsque neuf fois sur dix, elle est constituée de gâteaux et sucreries?

Oui, c'est contraire à l'hygiène alimentaire de manger des biscuits à dix heures. On pense peut-être que ce n'est pas un gâteau par jour qui va rendre obèse, mais pourtant si. Tous les biscuits du commerce, hormis les gâteaux secs genre Petit Brun, sont beaucoup trop riches en sucres et en graisses. Il faut donner des fruits aux enfants. Il existe une variété assez grande, ne serait-ce que dans les pommes. Je conseille quand même d'éviter la banane, trop calorique.

Beaucoup de mamans sont rassurées que leur enfant grignote quelque chose en milieu de matinée, car il mange très peu aux principaux repas.

Si l'enfant mange peu aux repas, il va avoir une alimentation déséquilibrée. La nourriture d'un jeune enfant ne peut pas être constituée uniquement d'aliments qui font grossir. L'obésité croissante des enfants est inquiétante, notamment chez le tout-petit. Elle peut se déclarer aujourd'hui dès la première ou deuxième année de l'enfant, il est donc urgent de faire face. J'ai d'ailleurs l'intention de développer davantage ce thème dans l'édition 2004 de "J'élève mon enfant".


La collation est proposée aux enfants, pas imposée. Cependant, un jeune enfant a-t-il la capacité de différencier la faim de la gourmandise?

Non, bien sûr. Cela me semble très difficile.

A l'école primaire, l'école ne propose plus de collation collective. Ce sont les parents qui fournissent un goûter individuel pour la récréation du matin. Mais ce qui peut interpeller, c'est que l'on demande aux parents ne souhaitant pas faire manger leur enfant de fournir quand même un goûter pour éviter disputes et jalousies entre élèves.

Eh bien, c'est déprimant que le personnel éducatif semble baisser les bras face aux parents qui fournissent des collations déséquilibrées. Les enseignants devraient rappeler les règles de diététique aux parents, et les apprendre aux enfants. Cependant, pour revenir au problème des jalousies entre élèves, on peut toujours donner un fruit à son enfant, ce n'est pas déconseillé s'il a bien déjeuné le matin. Il est plus normal de goûter à 10 heures quand on a pris un vrai petit-déjeuner le matin; car dans le cas contraire, ce n'est pas un goûter qu'il faut, mais toujours un petit-déjeuner équilibré.

S.B.




[2] "Le petit-goûter à l'école: éléments pour un discernement" V. Boggio, Médecine & enfance Septembre 2002

[3] "Les disparités régionales de l'état de santé des enfants de 5 à 6 ans", N. Guignon – X. Niel, BEH n°39/2003

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Petit passage à vide depuis cet été... En fait, je parle uniquement de mon activité d'auteur, parce que pour le reste, je suis plutot débordée, surbookée, over-occupée !!!
Moui, les enfants c'est un bonheur, une joie, quelque chose d'inestimable, mais c'est aussi vraiment beaucoup de temps à donner, beaucoup de temps volé, même, parce que parfois on n'a pas envie de le donner mais il nous est pourtant pris!

Cependant, étant donné que je constate une baisse flagrante de mon bien-être mental, moral, et une nette tendance à déprimer, voire à me sentir inutile et inintéressante...
je viens de décider de me remettre à écrire coute que coute.

Oui, mon cher et tendre mari, que tant de femmes voudraient clôner (sic) , je vais te délaisser un peu plus.

Oui, mes filles chéries, mes deux trésors, mes deux calamités, je vais vous mettre à la cantoche un jour de plus, et peut-etre ne plus venir vous câliner durant 30 minutes chaque soir.

Oui, mes copines, mes vraies copines, si récentes, si charmantes, je vais vous abandonner à vos cafés, ne plus le partager avec vous, meme si c'etait mon grand plaisir depuis 6 mois.
On m'a toujours traitée d'asociale, je réalise que c'est faux, mais que c'est une fatalité.
L'écriture fait partie de moi, ce n'est nullement un refuge, c'est un besoin que je dois combler en me coupant du reste.

Tant pis. Espérons au moins que tout ça mènera à quelque chose. A un livre dont la couverture miroitera de tout mon bonheur, un livre dont les pages glacées réchaufferont le coeur de tous ceux que j'ai délaissés, un livre qui sentira le neuf malgré tout le temps qu'il aura fallu pour qu'il naisse...
Sur le chemin vers mon troisième enfant, mon prochain bébé, je vous invite à m'accompagner de temps en temps. Poussez-moi un peu dans le dos, rafraichissez-moi lorsqu'il fait trop chaud, encouragez-moi, et peut-être qu'un beau jour je franchirai la ligne d'arrivée pour tomber dans vos mains de lecteurs.
Soyons patients... Cette grossesse-là durera sûrement plus de 9 mois... ;-)