jeudi 26 juin 2008

Extraits



"Je n'ai pas eu de mot. D'abord je me suis tu, replié sur moi-même, c'est dire la confusion que faisaient ensemble la sidération, l'émoi d'une rencontre, la souffrance de ne plus aimer là où il faudrait, en même temps que celle d'aimer là où il ne faudrait pas. J'ai voulu attendre. Qui sait l'avenir de ses amours? J'ai refermé toutes les portes par où sortent et entrent les impressions qu'on se fait : les mains, la bouche, les yeux se sont centrés sur ma femme légitime, celle que -je le croyais- je devais aimer, par-dessus toutes les autres. Mais les mains la bouche et les yeux ne commandent pas au cœur. J'avais le cœur au-dehors. J'avais entrouvert une trappe, il s'est échappé."


"Sans que je sache pourquoi, sans raison véritable ou apparente, il y a des jours où je perds confiance. Dans quoi? Dans le collier des jours, dans ce qu'il dessine et imagine, dans ce que l'on pourrait inventer, essayer. Quand je lâche ainsi le tissu du sens, toute force s'effrite en moi, je suis décousue, désarmée et obscure. de moi, alors, il n'y a rien à tirer, plus un mot, plus un sourire, pas un regard, je suis un mur. [...] Alors je me tapis dans ce noir de moi-même."


"La plus grande saloperie de la vie : les malheureux enfantent des malheureux. L'ombre se transmet par le sang et l'amour."


"Lorsque mon fils crie maman, je souffre deux fois : de l'entendre et de ne pas pouvoir l'entendre. Et pourtant Dieu et mon ventre savent que j'aime cet enfant. Va voir un psy, me dit souvent Théo. Il est gentil et il me veut du bien. Mais il ne sait pas la vérité. Je n'irai pas. Je suis cette écorchure. Si on me soulage, qui suis-je?"

Alice Ferney, Les Autres, éd. Actes Sud



1 commentaire:

  1. que dire? le message est clair, noir, sans autre responsable que "la vie", nous serions donc tous impuissants pour améliorer la situation? Oui, si nous l'améliorons, tu n'es plus rien, puisque née pour souffrir et être mal, mais si nous ne faisons rien, n'y a-t-il pas non assistance à personne malheureuse? N'y a-t-il pas d'autres perspectives que ces douleurs? N'est-ce pas un manière de trouver une explication à l'immobilisme? Et quand bien même on ne se bat pas pour soi, il faut pouvoir rompre la chaine du malheur non? Peut-on souhaiter à ses enfants cette vie là? Si la réponse est non, il faut alors trouver des solutions pour éviter ça à sa descendance ! C'est un premier élément pour s'aider, pour trouver un appui et des perspectives.
    Je ne peux pas croire qu'une personne sur terre soit faite pour ça : être malheureuse. Des situations dramatiques, il en existe trop, et finalement, ceux qui ont plus de "chances" (pas de maladie, survenir à ses besoins...) n'ont-ils pas comme devoir d'apprécier cette vie là, par respect pour les malades ou les enfants qui meurent de faim?
    Je suis certain que des personnes avec ce mal être, il n'y en a pas en Ethiopie...n'est-ce finalement pas un mal de la vie facile, où tout est du, où peu d'efforts sont nécessaires pour avoir son minimum? Et alors, la vie perd de sa valeur...comment ressentir l'intense joie d'un Ethiopien qui offre à sa famille un repas, après des jours et des jours de disette quand on croule sous la bouffe comme nous? Oui, quand on se prive de difficultés, on se prive aussi des joies qui peuvent y répondre...et la vie perd de son sens.
    Alors, peut-être que se mettre dans une situation difficile permet de redonner du sens à sa vie.....je l'espère, et ainsi, nous démontrerions que le malheur n'est pas immuable...

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