mardi 21 mars 2006

Ecrire

Ecrire est pour moi un pouvoir, que j'ai découvert très jeune.
Dès trois ans, passionnée par les histoires qu'on me lisait, j'appris seule à déchiffrer ces lettres,ces mots, qui faisaient naître tant de choses. J'appris aussi vite à écrire, et j'affirmais déjà au cours préparatoire une certaine supériorité sur mes camarades en expliquant à la maîtresse embêtée que "papi" s'écrivait avec un "y".

Le pouvoir de l'orthographe, si dure à apprendre pour les autres, si facilement maîtrisée pour moi. J'avais le sentiment de posséder un secret absolu, une formule magique qui rendait les mots parfaits. La bonne orthographe, comme une combinaison secrète, faisait apparaître le mot dans toute sa justesse, toute sa vérité. Chaque mot bien écrit me montre aussi clairement qu'un dessin son sens.
Le pouvoir des mots doux, des phrases caressantes, des vers qui riment et dansent au rythme de nos émotions. De mes petits messages, je pouvais atteindre le cœur de ma mère, si souvent fâchée, si souvent boudeuse. Je découvrais que des mots pouvaient attirer sur soi le pardon, la tendresse, l'admiration. Je me jetai à cœur perdu dans ce chemin que j'avais trouvé vers l'amour de ma maman. Mots d'enfant, mots de tendresse, mots de détresse et de fierté jetée à terre. Mots de peine, peine perdue… enfin, pas toujours.

Ecrire… est resté ma seule façon de m'exprimer dans ma famille. Comment ne pas y voir un pouvoir merveilleux? J'écrivais: on m'entendait. Personne n'abandonne une lettre sans l'avoir lue jusqu'au bout, alors qu'il est si facile de ne plus écouter, de couper la parole.
Mots d'explication, de revendication, de révolte, de colère, puis de regrets… toujours. Ecrire contre ma timidité, écrire pour qu'on me voie enfin, écrire pour être aimée en retour. Les mots servent trop bien le narcissisme. Puis, plus tard, découvrir le pouvoir de l'imagination. J'écrivais des quêtes et des souffrances qui n'étaient plus tout à fait les miennes. Des poèmes des chansons des contes et des idées, tellement d'idées que plus assez de mots.

La magie de l'histoire. Utiliser son stylo comme une baguette de sourcier pour dénicher l'"histoire", celle qui vit quelque part, que personne n'a encore exhumée, qui nous appelle. L'utiliser comme un pinceau d'archéologue pour la déterrer avec d'infinies précautions sans la déteriorer, sans avoir autre chose qu'une vague idée de ce qu'elle sera à la fin. Se découvrir lecteur en même temps qu'auteur, s'émerveiller devant ce que l'on a créé soi-même, et emmener les autres quelque part.

Décrire brièvement mon attrait pour l'écriture? Non-sens. J'écris pour vivre, je vis pour écrire. J'ai trente ans de vie, trente ans de mots, récoltés, absorbés et recrachés: c'est le miel de mon existence. Il me faut plus que quelques lignes pour en parler.
 Posted by Picasa

1 commentaire:

  1. Jolie et poignante confession.

    (je ne suis pas sûr que tout le monde la lise en entier...comme moi).

    Il faut savoir prendre le temps...
    sinon, on se transforme en citron !
    (pressé). :)

    Amitiés

    >>///P>

    RépondreSupprimer